Martre des pins © JM BOMPAR

Participez à la consultation publique avant le 6 juillet ! 

Pour un retrait des petits carnivores de la liste des ESOD !

Le projet d'arrêté ministériel fixant la liste des espèces « susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD) pour la période 2023-2026 vient d'être mis en ligne.

Suite à la rencontre en janvier dernier des équipes du ministère chargé de l’écologie pour lui présenter son avis sur la réglementation sur les ESOD et à la publication d'une tribune rassemblant des associations de défense de la biodiversité dans Le Monde, la Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères (SFEPM) se mobilise à nouveau pour éviter le piégeage de milliers de petits carnivores. 

**********************************                                                                              **********************************

La SFEPM rappelle que le classement d’une espèce considérée « SOD » doit se faire sur des données vérifiées et rigoureuses afin d’être à la fois cohérent dans les arguments avancés en faveur mais aussi du point de vue de l’impact écologique que ce classement peut induire sur un écosystème. Quasiment repris à l’identique par rapport à la période précédente, ce projet d’arrêté ne tient pas compte de l’évolution des connaissances scientifiques acquises au fil des années, ni des changements sociétaux allant dans le sens d’une opposition majoritaire à ce classement (comme a pu le montrer le sondage IFOP commandé en mai 2023 par l’ASPAS, la LPO, la SHF, la SNPN, la SFEPM et Humanité et Biodiversité). 
 
Bien que le Putois d’Europe ait été retiré de la liste – les alertes sur son état de conservation défavorable ayant enfin été entendues –, quatre petits carnivores restent concernés par l’abattage à large échelle de milliers d’animaux sauvages. En particulier, la Belette Mustela nivalis est maintenue uniquement dans le département du Pas-de-Calais sans qu’elle n’engendre de risque sanitaire ou pour la biodiversité, et avec des dommages aux activités agricoles s’élevant à quelques centaines d’euros sur trois ans. La SFEPM souligne le fait que nous ne possédons que très peu de données sur cette espèce largement répartie sur le territoire métropolitain, mais dont les effectifs actuels et leur tendance d’évolution ne sont pas connus. Au vu de ces lacunes de connaissance, le principe de précaution devrait s’appliquer et la Belette devrait donc être retirée de la liste nationale.
 
Pour cette espèce comme pour les trois autres mammifères – la Fouine Martes foina, la Martre des pins Martes martes et le Renard roux Vulpes vulpes – et les cinq oiseaux concernés, la SFEPM souligne l’absence de données chiffrées et validées pourtant indispensables à la mise en place de la réglementation sur les ESOD, car :
-       les estimations d’effectifs des populations de petits carnivores sont complexes à obtenir en écologie. Il n’existe actuellement pas de protocole pour suivre leurs populations avec précision.
-       les données sur les « dommages » réellement occasionnés et remontées par les piégeurs agréés aux départements sont basées sur de simples déclarations et restent donc partielles, voire biaisées. Il n’existe pas de protocole standardisé pour identifier l’auteur de ces « dommages », ni pour évaluer la fiabilité des informations transmises.
-       la destruction des ESOD est réalisée sans obligation de résultats et sans évaluation de leur efficacité. Il n’y a actuellement pas d’évaluation des coûts et bénéfices écologiques et économiques, ni prise en considération des aspects éthiques.
 
La notion de « nuisible » est uniquement juridique et n’a aucun sens en écologie. Les petits carnivores jouent un rôle de sentinelles et peuvent donc nous alerter sur l’état de santé des écosystèmes – problématique particulièrement importante dans le contexte actuel d’érosion de la biodiversité. En tant que prédateurs, ils sont des auxiliaires efficaces de l’agriculture (limitation des rongeurs) et permettent ainsi de bannir l’utilisation des produits chimiques contre les « ravageurs des cultures ». Ils sont aussi des agents sanitaires car ils limitent la propagation de maladies chez leurs proies et contribuent à l’élimination des charognes. Maintenir une diversité en petits carnivores (et la diversité en espèces en général) dans un milieu naturel lui permet d’être plus résilient face aux changements globaux et de répondre aux pullulations cycliques de certains rongeurs.
 
Comme cela a pu être présenté et argumenté dans l’avis de la SFEPM sur la question, les éventuels dommages engendrés par ces espèces ne justifient en aucun cas leur classement en tant qu’ESOD et la destruction subséquente des individus qui est ainsi permise, sans discernement à l’échelle d’un département. Lorsque des individus engendrent localement des « dommages » à nos activités, des alternatives à leur élimination, éthiquement acceptables et reposant sur la sensibilisation et la prévention (protéger sa propriété pour éviter les intrusions, par exemple) et la modulation et l’adaptation des activités humaines (comme la mise en place de mesures en faveur des petits Mustélidés en contexte agricole) sont possibles et souhaitables. Ces alternatives imposent une meilleure connaissance des espèces concernées et une communication à large échelle.
 
La SFEPM se joint donc aux associations de protection de la nature dénonçant une décision politique et non scientifique, ainsi qu’un désengagement de l'État pour inverser la trajectoire du déclin de la biodiversité. Ainsi, la SFEPM demande :
 
-       le retrait des petits carnivores de la liste des ESOD pour la période 2023-2026, et en particulier de la Belette, compte tenu du non-sens écologique constaté.
-       une refonte globale voire une suppression de la méthode actuelle de classement des espèces : outre l’incohérence d’un point de vue scientifique de la démarche, le manque de données entraînant la mise en œuvre de la réglementation sur les ESOD et l’incapacité des acteurs locaux et institutionnels à produire une analyse sérieuse doivent nous questionner sur le maintien même de ce dispositif.
-       le développement d’études scientifiques visant à améliorer les connaissances sur l’écologie des petits carnivores pour affiner les moyens de prévention déployés et l’application obligatoire de ces alternatives à la destruction pour toutes les espèces.
 
Pour la SFEPM, la préservation des populations de carnivores est indispensable pour que ces derniers participent à l’équilibre et à la résilience des milieux naturels, qui ne seront que bénéfiques pour nos activités. Elle ne sera possible qu’avec la prise de mesures et d’actions d’information pour contribuer à changer notre regard sur les petits carnivores et rendre possible la cohabitation avec la biodiversité.

**********************************                                                                              **********************************

La SFEPM vous invite donc à vous mobiliser massivement contre ce projet avant le 6 juillet en donnant votre avis sur le site de la consultation : vous pouvez vous inspirer des éléments précédents, mais notez bien que seules les réponses personnalisées seront prises en compte.

Un grand merci pour votre engagement !
 

Pour aller plus loin, vous pouvez aussi consulter les documents suivants : 
de Lacoste N. & Travers W. (coords.) (2022). Avis de la SFEPM sur le classement des petits carnivores indigènes « susceptibles d’occasionner des dégâts ». SFEPM. Bourges, 72 pages.
de Lacoste N. & Travers W. (2023). L’essentiel de l’avis de la SFEPM sur le classement des petits carnivores indigènes « susceptibles d’occasionner des dégâts ». SFEPM, 6 pages."
 

Partagez cet article
Monter